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Loi de lutte contre l'Habitat dégradé: quel impact en copropriété ?

Le 27 mars 2024, le Sénat a définitivement adopté le projet de loi 2024-322 du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement. Son objectif est simple: permettre aujourd'hui de lutter efficacement contre les près d'1,5 millions de logements considérés comme dégradés en France. Une loi qui apporte de nombreux changements en matière de copropriété.


Quelles mesures principales impactent le monde de la copropriété ?

Plusieurs points affectent le droit de la copropriété, les modes de fonctionnement et les outils d'administration des copropriétés.


Les grands objectifs affichés sont les suivants:

  • Amélioration de l'information des copropriétaires (article 9: "création d'une obligation d’information des copropriétaires et occupants lorsqu’un immeuble ou un logement est concerné par des procédures de lutte contre l’habitat indigne")

  • Généralisation des notifications et communications électroniques

  • Majorités simplifiées pour le vote de travaux de rénovation énergétique

  • Modification en profondeur de l'emprunt collectif en copropriété

  • Simplification des procédures de saisies en cas d'impayés de charges


La création d'une saisie sans intervention préalable du juge

Une nouvelle procédure archi simplifiée de saisie sur les biens d'un copropriétaire débiteur en copropriété est désormais instaurée par l'article 19 de la loi Habitat Dégradé du 9/04/2024. Elle vise à surprendre le copropriétaire débiteur à travers une saisie conservatoire par Commissaire de justice des biens personnels, dont notamment les comptes bancaires, mais également les meubles, loyers ou un nantissement de fonds de commerce/ de parts sociales. Ceci sans jugement préalable et procédure habituelle, qui pouvait s'avérer particulièrement longue.


Ainsi, l’article 19 de loi dite habitat dégradé modifie l’article L511-2 du Code des procédures civiles comme suit : « Une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque, des provisions mentionnées au premier alinéa de l’article 19‑2 de la loi n° 65‑557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, exigibles ou rendues exigibles dans les conditions prévues au même article 19‑2 ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles ».


Cette procédure concerne les créances relatives aux provisions exigibles mais également les provisions rendues exigibles au titre de la déchéance du terme et qui deviennent exigibles par anticipation. Elle nécessite une mise en demeure restée infructueuse durant 30 jours, permettant alors au syndic de saisir un Commissaire de Justice, avant de demander à un avocat d'assigner le copropriétaire débiteur au fond dans un délai d'un mois.


Un emprunt collectif VRAIMENT collectif

Terminé l'emprunt collectif à adhésion volontaire, le recensement... la loi opère un véritable bouleversement de l'emprunt collectif. Désormais par défaut, chaque copropriétaire est supposé souscrire à l'emprunt collectif lorsqu'il est voté...sauf à notifier son refus dans les 2 mois au syndic et surtout à verser l'intégralité des fonds correspondant à sa quote part des travaux votés sous 6 mois ! Un emprunt collectif devant être voté à la même majorité que celle applicable aux travaux concernés par l'opération à financer.

L'objectif est clair: permettre aux copropriétés de financer plus facilement leurs travaux d'entretien, d'amélioration ou de réparation en généralisant le recours à l'emprunt collectif.

Notons également que les ASL (Associations syndicales libres) sont désormais également éligibles aux emprunts collectifs.

A ce sujet, nous vous invitons à retrouver notre article complet dédié aux évolutions de l'emprunt collectif.


La Généralisation des notifications et convocations par voie électronique

La loi instaure une véritable inversion du principe jusqu'alors en vigueur. En effet, jusqu'à présent, les notifications, convocations et Procès-verbaux d'Assemblée générale étaient par principe envoyées en courrier recommandé postal traditionnel, sauf à ce que le copropriétaire choisisse de lui-même de basculer en notification électronique (LRE - recommandé électronique). Désormais, ce sera le même principe...mais à l'inverse !

Ainsi, l'article 38 de la loi du 9 avril 2024 rectifie en ces termes l'article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965: « Les notifications et les mises en demeure sont valablement faites par voie électronique. Les copropriétaires peuvent, à tout moment et par tout moyen, demander à recevoir les notifications et les mises en demeure par voie postale. Le syndic informe les copropriétaires des moyens qui s'offrent à eux pour conserver un mode d'information par voie postale. »

Le but est clair: favoriser une plus grande participation aux Assemblées générales et faciliter les moyens de notification en utilisant les nouvelles technologies. Pas certain néanmoins que dans les faits la mesure soit appréciée, la majorité des copropriétaires refusant jusqu'à présent de choisir par eux-mêmes de basculer en notification électronique. Sans oublier que la mesure n'est de toute évidence pas favorable à nos Anciens ou aux personnes qui ne sont tout simplement pas à l'aise avec les outils numériques.


Les autres grandes mesures de la loi

Plusieurs dispositions sont instaurées pour lever les freins des opérations de requalification des copropriétés dégradées (ORCoD) avec des plans de sauvegarde et des procédures d'expropriation et de relogement simplifiées en cas de péril ou d'insalubrité caractérisée, visant notamment à dispenser les constructions temporaires visant à reloger des habitants évincés dans le cadre d'opérations de lutte contre l'habitat indigne de toute démarche d'autorisation d'urbanisme.

Par ailleurs, le Maire reçoit une compétence nouvelle, à savoir celle de pouvoir imposer la réalisation d'un diagnostic structurel similaire au DTG (Diagnostic technique global) sur certaines zones de son territoire de compétence. Une copropriété ayant adopté un Plan pluriannuel de Travaux (PPT) est réputé avoir satisfait à ses obligations et ne peut être contraint à réaliser un diagnostic structurel par les pouvoirs publics. Toujours au sujet de l'intervention des Collectivités publiques en matière de copropriété dégradée, la loi instaure un régime permettant la concession de terrain ou parties communes appartenant à la copropriété à un opérateur privé afin qu'il puisse engager les travaux rendus nécessaires dans le cadre d'un contrat de concession d'aménagement signé sur requête d'une collectivité publique.

En outre, il a été entériné dans l'article 4 du projet de loi le principe d'insaisissabilité des comptes bancaires de copropriétés en redressement, dans le cas où la gestion de la copropriété est confiée par le juge à une personne référente (sous le régime du mandat ad hoc ou de l’administration judiciaire).

En outre, la loi du 9 avril créé le SIC (syndic d'intérêt collectif) agréé par le Préfet pour une durée de 5 ans, qui est présumé être compétent pour gérer un immeuble en difficulté alors même qu'un mandataire ad hoc a été désigné. Un décret d'application est en attente sur ce point en particulier afin de mieux apprécier les contours de ce nouveau dispositif.

Enfin, les syndics de copropriété sont également concernés directement par certaines dispositions avec notamment une procédure de sanction financière directe en cas de négligence de la procédure d'alerte et de sauvegarde d'une copropriété en difficulté: l'imputation au syndic défaillant des frais d'administration judiciaire de la copropriété concernée. Mais ce n'est pas tout, pour la première fois, un label QUALISR vient labelliser les syndics spécialisés dans la gestion des copropriétés en difficulté.


Retrouvez le texte de loi intégral sur LEGIFRANCE.



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