La loi ELAN du 23 novembre 2018 avait instauré à sa parution une obligation à la charge de tous les syndicats de copropriétés de mettre à jour leur Règlement de copropriété. Des règlements de copropriété souvent datés du début ou milieu du 20e siècle, et qui ne sont dans la majorité des cas plus à jour de la réalité physique des copropriétés, voire même en contradiction avec certaines dispositions réglementaires intervenues depuis lors.
La problématique majeure concerne ainsi la retranscription des parties communes dites particulières, qui sont une création jurisprudentielle sans existence dans la plupart des règlements de copropriété.
Petit rappel: Sont considérées comme parties communes spéciales d'une copropriété:
Les parties communes spéciales (parties et charges liées à un bâtiment ou une partie de bâtiment) ;
Les parties communes à droit de jouissance exclusif (loggia, balcon, toiture-terrasse, jardin, combles aménagés…) ;
Les lots transitoires (lors de la construction d’un immeuble, ces lots transitoires sont parfois conservés. Ensuite, le promoteur vote et participe aux charges jusqu’à la construction et leur remplacement par de vrais lots privatifs).
La loi ELAN est par ailleurs venue en 2018 encadrer dans le temps la mise en conformité des règlements de copropriété, en fixant un délai limite triennal, soit une date maximum pour la mise en conformité des règlements de copropriétés fixée initialement au 21 novembre 2021.
L'application de la clause "du Grand Père" avec la loi 3DS: disparition de la date butoir !
La loi pour la différenciation, la décentralisation et la déconcentration (ou loi 3DS), est venue modifier le 21 février 2022 les articles 206 et 209 de la loi ELAN.
La clause du Grand-Père a dès lors été admise en matière de mise en conformité des règlements de copropriété, permettant ainsi aux immeubles mis en copropriété avant le 1er juillet 2022 de supprimer toute limite calendaire pour la mise en conformité leur règlement de copropriété. En outre, la sanction d’inexistence des parties communes spéciales et droits de jouissance privative a disparu : les droits mal inscrits dans le Règlement de copropriété ne disparaissent désormais plus automatiquement.
La seule obligation pesant toujours sur les copropriétés n'étant pas en conformité avec la loi ELAN, demeure de porter à chaque assemblée générale (qu'elle soit spéciale ou ordinaire) la question de la mise en conformité du règlement de copropriété à l'ordre du jour. Un vote devant inclure au passage l'adoption de la mention des parties communes, des lots transitoires et des jouissances privatives à la majorité prévue à l’article 24.
Parties communes spéciales: quels sont les enjeux ?
Si les conséquences juridiques de l'absence de mention des droits de jouissance privatifs sur partie commune dans le règlement de copropriété sont aujourd'hui moins évidentes (mis à part la seule sécurité juridique), il en va autrement des parties communes spéciales.
Rappelons ici que l’article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : « Les parties communes spéciales sont celles affectées à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires. Elles sont la propriété indivise de ces derniers. La création de parties communes spéciales est indissociable de l’établissement de charges spéciales à chacune d’entre elles. Les décisions afférentes aux seules parties communes spéciales peuvent être prises soit au cours d’une assemblée spéciale, soit au cours de l’assemblée générale de tous les copropriétaires. Seuls prennent part au vote les copropriétaires à l’usage et à l’utilité desquels sont affectées ces parties communes. »
Conformément aux dispositions de cet article, toute partie commune spéciale doit impérativement être assortie d’une grille de répartition des charges spéciales affectée à cette partie commune. Par conséquent, il ne peut y avoir de partie commune spéciale sans charges spéciales. Les conséquences d'une absence de mention au règlement de copropriété peuvent être désastreuses en cas de contentieux ou de recouvrement de charges impayées devant les tribunaux par exemple, puisqu'il sera rendu aisé de s'appuyer sur une absence de mention au règlement de copropriété pour en contester le bien fondé (y compris lorsque la charge figure à l'état descriptif de division).
Quelles conséquences d'une absence de conformité ?
La première conséquence directe est une privation de droit admis pour un copropriétaire (droit de jouissance privatif par exemple). Mais au-delà des conséquences juridiques, la mise en conformité permet une plus juste répartition des charges en fonction de l’usage ou de l’utilité des parties communes. Refuser la mise en harmonie du RCP expose le syndicat à l’action contentieuse d’un ou plusieurs copropriétaires lésés sur le fondement de la contestation des charges de copropriété.
Concrètement, quoi faire ?
La première chose à faire est de vérifier la conformité de son règlement de copropriété avec les dispositions de la loi ELAN: mieux vaut pour ce faire consulter un avocat ou un juriste spécialisé, qui sera à même de déceler les non conformités et donc d'acter la situation dans laquelle se trouve la copropriété. Une mission d'audit pouvant être confiée au professionnel sur accord du Conseil syndical ou de l'Assemblée générale suivant les seuils décisionnels décidés en AG.
L'audit peut alors mener, soit à la conclusion d'une conformité, libérant ainsi le syndicat des copropriétaires de toute obligation, soit à la non conformité. Dans ce dernier cas, le syndic devra porter la question de la mission de mise en conformité à l'ordre du jour de chaque Assemblée générale ordinaire ou spéciale, jusqu'à ce que celle-ci soit votée et le travail juridique réalisé. Le Règlement de copropriété devant alors faire l'objet d'un modificatif publié par voie notariée (compter entre 2 500€ et 5 000€ selon la complexité du modificatif, incluant les taxes diverses, frais de publication et les émoluments du notaire), selon la procédure habituelle de modification du Règlement de copropriété.
Nous ne pouvons donc que vous recommander d'écrire à votre syndic professionnel par courrier RAR, afin de lui demander d'inscrire le point de la mise en conformité à l'ordre du jour de la prochaine Assemblée générale, s'il ne l'a pas déjà fait de son propre chef.
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